Nous republions ce texte initialement publié par le Mouvement socialisme et liberté
Hier, les bombes pleuvaient sur Gaza. Hier ; depuis 70 ans. L’histoire de la Palestine, c’est l’histoire de massacres télévisés ; celle de l’acceptation internationale d’une violence impériale comme fin en soi ; assimilatrice et totalisante. Le silence de l’Occident face à la violence coloniale en Palestine n’a aucune raison de nous choquer ; il est le reflet de nos propre rapports au passé et au présent. Si les bombes pleuvent sur Gaza depuis 70 ans ; ici, la misère soigneusement entretenue gangrènent les premiers peuples depuis trois siècles.
Depuis la formation du Dominion du Canada, les relations entre les communautés autochtones et l’État Canadien se sont transformés ; les rapports politiques ont évolués en laissant en suspens, comme oubliée et à peine effleurée, toute une économie de la violence qui, aujourd’hui, débordent de loin les cadres institutionnels. Rappelons-nous, en décembre 2015, lorsqu’au lendemain de son élection, le Premier Minsitre Justin Trudeau demandait pardon aux autochtones au nom de l’État Canadien. De quoi s’excusait-t’il, au fond ? Des pensionnats où l’on parquait les enfants autochtones jusqu’à la fin des années 901 ? De toutes les tentatives successives de génocides culturels ? Des famines préparées durant des décennies par la chasse excessive des colons ? De la saignée des territoires ancestraux en l’absence de traités ? Pour le premier ministre, toutes les réponses sont bonnes, tant qu’elles peuvent être traitées en surface et concluent par une larme. Effectivement, M. Trudeau a profité de l’occasion pour demander pardon face à tout un amalgame de violences commises par l’État Canadien à l’endroit des autochtones dans un passé plus ou moins récent. Dans un passé, parce qu’à en croire le discours du premier ministre, nous entrerions dans un nouvel ère du Canada. Un ère de paix ; de dialogues ; de réconcialiation.
La fausse naïveté du gouvernement libérale est troublante. Faut-il rappeler que la réconciliation n’est ni possible, ni même réellement souhaitable tant que les violences coloniales ne cesseront de se réaffirmer ? L’époque de la colonisation assumée et performée en toute impunité est peut-être terminée, elle est à jamais gravée dans les têtes, oui, mais aussi dans le corps institutionnel de l’État Canadien. Le seul cas de la surreprésentation flagrante des autochtones en milieu carcéral devrait fournir une piste sérieuse de questionnement quant au confinement et à l’invisibilisation des premiers peuples2. Pour ne citer que ces statistiques ; en 2010, les autochtones représentaient 20% de la population carcérale fédérale tandis qu’ils représentent, la même année, à pein 0,5% de la population canadienne totale3. C’est que l’époque des peines publiques est révolue ; la condamnation cachée, la légitimité de la peine et de l’emprisonnement mêlée à la reconnaissance de l’existence du criminel en soi comme attaque totale à la société de droit ; c’est tout un réseau de relations de volontés et d’actions qui vient légitimer par delà toutes critiques publiques, la place de la sanction comme réaction nécesssaire et essentielle au redressement du criminel. Mais que reste t’il au criminel quand son crime c’est la pauvreté ? Quand le crime c’est de faire de la contrebande comme contre-pauvreté ? Quand le crime c’est d’être toxicomane ? Au fond, que faire lorsque le crime c’est celui d’être colonisé ? Colonisé et citoyen, comme les autres..?
Trudeau aura beau pleurer le passé, ce ne sera jamais rien d’autre qu’un pied de nez. Parce que c’est précisément le passé colonial qui intervient lorsque l’on refuse d’entendre parler des chefs traditionnels autochtones au sujet des projets de développement économique qui prennent place sur leur territoire ; parce que c’est ce passé colonial qui intervient lorsque l’on doit attendre 30 ans avant d’ouvrir une commission d’enquête sur plus de 1000 femmes autochtones disparues ou assassinées ; parce que c’est ce passé colonial qui intervient quand l’État Canadien laisse mourir des réserves autochtones quasiement en entier, soit par suicide, soit par absence d’eau potable… Aujourd’hui, le colonialisme canadien se manifeste moins dans les dires que dans les non-dits, moins dans les actes que dans leur absence.
Parler de passé colonial aujourd’hui, c’est faire preuve du mépris le plus grand et le plus désintéressé qui soit à l’égard de centaines de peuples.
Si les Premiers Peuples hurlent et dénoncent, c’est que votre silence si sourd et si long s’exerce à effacer leurs noms. Ici, ils s’appellent Cris, Algonquins, Attikameks, Abénaquis, Hurons-Wendat, Innus, Malécites, Micmacs, Mohawks, Naskapis, Inuits.
Hier, les bombes pleuvaient sur Gaza ; hier et aujourd’hui.
La lutte pour la reconnaissance animait les coeurs des colonisé.es ; aujourd’hui et demain.
Marchons vers demain, la rage dans les cris et la solidarité au poing.
-Nel
(1) http://ici.radio-canada.ca/nouvelle…
(2) Jaccoud, M. (2014). Peuples autochtones et pratiques d’accommodements en matière de justice pénale au Canada et au Québec. Archives de politique criminelle, 36,(1). https://www-cairn-info.acces.bibl.ulaval.ca/revue-archives-de-politique-criminelle-2014-1-page-227.htm. Page 227.